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29 décembre 2011 4 29 /12 /décembre /2011 16:53

En 1496, les habitants de Seurre mettent en scène le "mystère de Saint-Martin" spécialement écrit pour eux par Andrieu de la Vigne. Le manuscrit du spectacle contient le récit suivi des préparations et de l'exécution apparemment composé par Andrieu lui-même puisque sa signature suit le récit.

 

L'éloge, la gloire, l'honneur et l'exaltation vont à Dieu, à la Vierge Marie et au patron le plus glorieux de cette ville de Seurre, monseigneur Saint Martin. En l'année 1496, le neuvième jour de mai, le vigile (veille) de l'ascension, sont assemblés dans la chambre de Maistre Andrieu de la Vigne, natif de La Rochelle et historiographe du roi, le vénérable et discret maître Oudot Gabillon, le titulaire vicaire de l'église Saint Martin dudit Seurre, l'honorable Aubert Dupuys, Pierre Loiselleur, Pierre Goillot, Georges Casote, Pierre Gravelle dit Belleville, bourgeois et Maître Pierre Rasoyer, recteur des écoles dudit Seurre. Ils demandent de faire et composer pour eux un texte qui devait présenter et déclarer par des personnage la vie de monseigneur Saint-Martin de sorte qu'en voyant cela représenté, le petit peuple peut facilement voir et comprendre comment le noble patron dudit Seurre vit une vie saine et dévote.

 

Et ce texte est fait et réalisé comme il apparaît cinq semaines après cette date. Et ladite vie est jouée lors de la prochaine fête de Saint-Martin (le 4 juillet) sans la rumeur de guerre et du grand nombre de gens d'armes qui viennent en la dite ville de Seurre de sorte que le sujet est mis de côté pour un certain temps.


Pour faire cette représentation les rôles sont préparés et présentés par ledit Maistre Andrieu et les dignes personnes suivantes sont nommées pour distribuer et donner ces rôles aux personnes pouvant les jouer : le noble Guyot Berbis, alors maire de Seurre, le noble Guenin Druet, Robin Jolique et Pierre Loiselleur, bourgeois dudit Seurre qui après de prudentes et mûres délibérations distribuent lesdits rôles à chaque personne comme la situation l'exige recevant des acteurs le serment requis dans un tel cas pour exécuter la représentation dès le bon moment venu.

 

Après quoi, chacun prend soin d'étudier son rôle et d'aller à l'église dudit seigneur Saint-Martin ou à Saint-Michel quand cela est nécessaire pour voir les rites et les façons de faire les choses quand elles sont exécutées en public, ce qu'il n'est pas possible de faire aussitôt qu'ils le veulent en raison des difficultés précitées. Mais après une longue attente, voyant passer le moment approprié pour la représentation, les personnes mentionnées décident que la représentation a lieu le dimanche suivant la foire de Seurre, date pour laquelle chacun doit être prêt.

 

Cependant du fait de nouvelles rumeurs de guerre pendant la foire, il n'est pas possible de jouer le jour venu. La semaine suivante, les vendanges commencent partout et on est forcé d'attendre qu'elles soient finies, sinon il y a le risque d'avoir très peu de gens présents. Après tout cela, la bonne intention desdits acteurs de représenter le mystère n'est pas perdue. Les organisateurs et acteurs mentionnés ci-dessus assemblés à ladite église décident unanimement que leur parade a lieu le mardi 4 octobre et que la représentation a lieu le dimanche suivant, fête de Saint-Denis.

 

Quand cette décision est prise, lesdits acteurs s'acquittent de leur devoir de fournir les accoutrements et habits appropriés. Le noble maire est responsable de voir les estrades installées dont il commence l'installation avant ladite foire de Seurre et il montre beaucoup de soin et de grande diligence pour cela. Le maître des secrets, Maistre Germain Jacquet vient d'Autun, quand arrive ledit Pierre Goillot qui est receveur des deniers pour ledit mystère lui indiqua tout ce qu'il devait faire des idoles, des trappes secrètes et autres choses.

 

Quand vient le jour choisi pour les parades, on proclame par un héraut, que tous ceux qui participent audit mystère doivent se réunir à midi aux Lombards, chacun habillé de son costume. Une fois la proclamation faite, lesdits joueurs sont assemblés audit endroit et sont mis en ordre l'un après l'autre, montés, équipés, armés et ornés si bien qu'ils ne peuvent être mieux arrangés ensuite. Et il leur est expliqué qu'ils ne commencent une longue procession que lorsque Dieu et ses anges quittent cette place pour marcher les uns derrière les autres, les diables sont déjà plus loin que la tour de la prison près de la tour de Chamblanc. Leur chemin passe devant la maison de Perrenot de Pontoux, le long du marché aux chevaux, jusqu'à la maison de Monsieur le Marquis près des murs de la ville et de là le long de la rue principale jusqu'à l'endroit indiqué. Et il y a un espace d'à peine deux pieds et demi entre les chevaux, et un très grand nombre de chevaux participe à cet évènement.

 

Une fois la parade passée, chacun pense pour lui-même et le vendredi suivant les loges sont remises aux acteurs pour les garnir de tapisserie, y compris ceux des villages voisins de Seurre. Le samedi, comme le temps est beau, tout le monde met grand peine à orner lesdites estrades. Et la tâche accomplie, personne ne peut se rappeler avoir jamais vu des estrades plus finies, mieux préparées, ornées garnies, ni si bien proportionnées. Le matin suivant, qui est dimanche, quand ils se préparent pour la représentation, la pluie tombe si fortement qu'il est impossible de faire quoi que ce soit. Cela continue sans s'arrêter de la troisième heure du matin jusqu'à la troisième heure après le midi, ce qui afflige beaucoup les acteurs et tout le monde.

 

Ceux qui viennent des villages alentour décident de s'en aller quand ils voient le temps si changeant. Quand ledit maire et les autres apprennent cela, ils proposent qu'une farce soit jouée sur le parvis lorsque le temps s'améliore, pour les satisfaire et leur plaire. Aussi, le héraut crie que tous les joueurs doivent aussitôt aller costumés à la maison de Monsieur le Marquis et que tous les autres se rendent au château. Cela étant crié d'un côté et de l'autre, chacun fait son devoir.

 

Alors les acteurs sont mis en rang et ils quittent la maison de Monseigneur le marquis en se suivant l'un l'autre de façon si solennelle que chacun est très étonné en arrivant sur le parvis. Ils se mettent en cercle de façon appropriée et chacun va alors dans sa loge. Les seules personnes laissées sur le lieu du spectacle sont les acteurs de la farce du Meunier copiée précédemment (dans le manuscrit) qui est si bien jouée que chacun est enchanté et rien de plus n'est fait ce jour-là.

 

Quand ils quittent l'estrade, lesdits joueurs se mettent en ordre et au son des trompettes, des clairons des ménestrels, des instruments hauts et bas, ils viennent dans ladite église de notre seigneur Saint-Martin pour chanter une prière très pieuse à notre Dame afin que le beau temps revienne et qu'ils puissent réaliser leur bonne et dévote intention de jouer ledit mystère. Dieu les exauce et lundi, jour suivant le temps est beau de nouveau. Il est proclamé par le héraut que par ordre du maire et du conseil des échevins dudit Seurre toutes les échoppes doivent être fermées et que personne ne doit être assez hardi pour faire aucun travail à son métier dans ladite ville durant les trois jours suivants pendant la représentation du mystère de Monseigneur Saint Martin et que tous les acteurs doivent aussitôt aller à l'église (mostier) dudit Seurre.

 

Aussitôt tout le monde se rend vers les estrades et les acteurs à leur place, et alors ils sont mis en ordre par ledit Maistre Andrieu qui a le registre et ils se disposent au bruit des trompettes, des clairons, des buccins, des orgues, des harpes, des tambours et d'autres instruments hauts et bas jouant autour d'eux jusqu'audit lieu de représentation où  ils se mettent en cercle comme il est de coutume.

 

Cela est un arrangement si magnifique et somptueux que cela dépasse l'esprit de l'homme pour décrire une chose aussi fine et splendide. Ceci fait, chacun se retire à l'endroit marqué pour lui et les deux messagers ouvrent la représentation comme il est décrit ci-dessus dans ce registre.

 

Alors Lucifer commence à parler et pendant son discours, le costume de l'homme qui joue Satan et se prépare à entrer par la trappe, depuis son souterrain, prend feu autour de ses fesses de sorte qu'il est gravement brûlé. Mais il est si vivement secouru, dépouillé de ses vêtements et rhabillé sans donner aucun signe de douleur qu'il joue son rôle, puis se retire à sa maison.

 

Les joueurs sont très effrayés par cette mésaventure. Ils pensent qu'un aussi mauvais commencement signifie d'avantage d'ennuis. Pourtant, avec l'aide de monseigneur Saint-Martin qui prend cela entre ses mains, les choses vont cent fois mieux que prévu. Après cela, le père et la mère de Martin avec leurs serviteurs montent sur ladite estrade et font un début si plein d'entrain que chacun - les acteurs et l'assistance - est très étonné et en effet supprimant cette ancienne crainte, lesdits acteurs sont remplis d'une telle confiance et hardiesse qu'aucun lion dans son repaire, ni aucun assassin dans une forêt n'est plus hardi ni confiant qu'ils le sont quand ils jouent.

 

Ce matin-là, ils commencent entre sept et huit heures et finissent entre onze et douze. Pour le commencement de la session de l'après-midi qui est à une heure, ledit Satan revient pour jouer son rôle s'excuse devant Lucifer, puis accomplit sa partie dans cette scène et les autres joueurs après lui, chacun à sa place. Alors ils font une pause pour aller souper entre cinq et six heures, s'arrêtant de  jouer et employant le temps du mieux qu'ils le peuvent. Et quand ils quittent le lieu de la représentation, lesdits acteurs s'alignent comme il est dit et vont à l'église de monseigneur Saint-Martin où ils remercient Dieu et chantent avec dévotion le Salve Regina.

 

Les jours suivant qui sont mardi et mercredi, ils arrivent et quittent la place de la représentation aux heures susdites. Ainsi, comme il est écrit, est représenté ledit mystère du glorieux ami de Dieu, monseigneur Saint-Martin, saint patron de Seurre, si triomphalement, authentiquement et magnifiquement sans aucune faute du monde qu'il n'est pas possible pour l'homme mortel de le décrire par écrit aussi bien que cela est représenté.

 

Terminé le douzième jour d'octobre 1496.

 

un héraut : officier de l'office d'armes, chargé de faire certaines publications solennelles ou de porter des messages importants.

 

 

 

 

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